Les pexitos

Les pexitos

Un « pexito » (prononcer péchito, avec l'accent tonique sur le i), c'est, en portugais, un petit poisson. C'est aussi le nom par lequel s'auto-désignent les natifs de Sesimbra. Nombre de pexitos, notamment parmi les plus âgés, utilisent couramment des expressions et des tournures de phrases toutes particulières à la région. Ajoutez à cela un accent très prononcé et vous obtenez un portugais haut en couleur, mais pas toujours facile à comprendre pour qui n'est pas familier du cru.

Ainsi, pour célébrer une bonne pêche, on dira volontiers « é um molhão, hã ! », molhão signifiant à la base une grande sauce. Pour faire un compliment à un ami, on dira « atão sóce ! ». Pour encourager quelqu'un à aller chercher son poisson directement sur les docks, généralement auprès d'un ami pêcheur déjà connu, on lui dira « vais a zagaia, hã ! » (soit, littéralement, vas-y pareil, allez !).

Le pexito parle souvent fort, à tel point qu'il peut donner l'impression de se disputer alors que non. C'est ce que d'autres portugais parlant plus doucement appellent l'ardentia et qu'on peut observer dans divers points de rencontres locaux, comme par exemple la Société Musicale Sesimbraise, qui sert parfois de véritable quartier général aux pêcheurs et où l'on organise souvent des parties de não te irrites, jeu de société très populaire dans le monde lusophone et qui doit son nom aux épreuves qu'il impose aux nerfs des joueurs.

En ces lieux à haute valeur tant sociale que symbolique, on peut entendre encore d'autres expressions typiques : « tá bél isse ! », phrase utilisée pour se désoler (par antiphrase) de quelque chose, ou encore « eh pà ! O qu'é que vai pá calera ? », pour demander à quelqu'un ce qu'il compte manger au prochain repas.

Habitudes locales

Comme toute autre communauté, les pexitos ont leurs habitudes et leurs traditions propres. Tôt le matin, beaucoup vont chercher le pain tout chaud des boulangeries locales, en particulier celles de Gá ou de Joaquim do Moinho, les plus anciennes de Sesimbra. C'est aussi là qu'on trouve des sardines, des chinchards et parfois d'autres poissons – ou d'autres ingrédients plus expérimentaux – qui viennent avec le pain.

Auparavant, c'étaient les femmes des pêcheurs, ou les domestiques pour ceux qui avaient les moyens de s'en payer, qui se chargeaient d'aller chercher le pain. Ils passaient ensuite à l'épicerie ou au marché municipal et achetaient aussi des fruits et des légumes tandis que les pêcheurs, eux, étaient déjà en mer.

Aujourd'hui, les sesimbrais exercent des professions beaucoup plus diverses que la seule pêche. Néanmoins, beaucoup continuent à fréquenter les boulangeries les plus traditionnelles pour y acheter du gâteau de farine torréfiée (Farinha Torrada), un dessert typiquement sesimbrai. Et quand il s'agit d'acheter du poisson, les hommes – en particulier les pêcheurs, navigateurs, moniteurs de plongée et autres professions liées à la mer – aiment s'en charger pour choisir eux-mêmes un frai qu'ils considèrent bien connaître. Si vous vous demandez quel poisson est le plus gras, le plus savoureux, le plus intéressant au rapport qualité-prix ou le plus adapté à la saison, n'hésitez pas à demander conseil au marché municipal : vous y croiserez certainement des experts en la matière plus que capables de vous renseigner.

Les balades sur la plage, les flâneries près des docks sont autant de manières de garder un lien avec la mer, même quand on n'y a jamais pêché (ou qu'on n'y pêche plus) au large : sous une apparence anodine, ce sont là des coutumes bien enracinées et que l'on passe toujours aux nouvelles générations de sesimbrais.

En fin d'après-midi, beaucoup aiment aller à la plage pour y voir l'Art Xávega, une pêche traditionnelle au chalut dont on montre les prises sur la plage.

Les pexitos aiment à aller au café après le déjeuner ou le dîner pour discuter entre amis. Certains vont jusqu'à référer à cela comme à un rituel « sacré » !

Les sesimbrais sont aussi des gens aimables et hospitaliers, qui aiment recevoir et partager avec leurs familles et leurs amis, comme le font fréquemment les équipages de pêcheurs dont la prise a été bonne.

Le parfum qui embaume les rues

Quand on aime, on ne compte pas. Les pexitos aiment le poisson et ne voient pas d'inconvénient à ce que les saveurs de la mer embaument les rues. Une des particularités de Sesimbra est l'arôme du poisson « rôti » (assado), en fait grillé sur charbon, qu'on redécouvre au quotidien à l'heure des repas, qui aiguise les appétits et qui suscite l'étonnement des nouveaux visiteurs.

Aux premiers jours du printemps, c'est quasiment une obligation pour le pexito d'avoir son barbecue devant chez lui pour y griller sardines, chinchards, maquereaux et sabres noirs – des poissons gras appréciés pour leur saveur et leur fraîcheur.

Durant l'hiver, l'un des plats les plus appréciés de la ville est le cão-do-monte ou cademonte sec. Ce poisson, connu en français sous le nom de pristiure à bouche noire et appartenant à la même espèce que les requins, se cuisine avec des patates et des légumineuses. Certains l'apprécient tant qu'ils le trouvent meilleur que l'iconique bacalhau (cabillaud). Si vous passez par les rues les plus typiques de la ville, il n'est pas impossible que vous croisiez aux portes et aux fenêtres quelques sèche-linges où l'on aura pendues des cademonte pour les faire sécher au soleil. C'est surtout le cas dans les rues piétonnes : on fait sécher le cademonte en lieu sûr.

De façon générale, le pexito adore déguster un ragoût (caldeirada) de poisson, une soupe de poisson, un calamar frit ou l'un des innombrables fruits de mer que l'on trouve aussi dans la région et qui tous font partie de l'identité gastronomique du lieu.

Fêtes et culture

Fidèles aux traditions, pour Noël, les pexitos ne manquent pas la messe de minuit (dite Missa do Galo, « messe du coq ») célébrée chaque année à l'église paroissiale. De même, ils participent activement à la célébration des Stigmates du Christ tous les 4 mai, jour férié où ils ne manquent pas de faire procession dans les rues.

Aux fêtes des saints « populaires », qui tombent au mois de juin, on décore les rues et, selon une tradition ancestrale, on se rejoint la nuit pour déguster caldeiradas, sardines et poulpes frits sur les braises. Ces fêtes sont aussi très appréciées des touristes qui ont ainsi l'occasion de vivre comme les (et de se mêler aux) locaux.

En été, outre le plaisir renouvelé des sorties dans les bars et les cafés, il y a toujours de quoi sortir le soir. Cinéma, expositions, spectacles musicaux et parfois théâtre (la troupe sesimbraise De Vez em Quando créée parfois des pièces en cette saison) sont autant d'occasion d'assister à des événements « authentiques ». Attention, le portugais n'est pas sous-titré !

En fin d'année, Sesimbra s'agite au rythme soubresauts du carnaval. Importée du Brésil, avec des musiques dansantes, des écoles de samba et des groupes d'axê, cette coutume plus récente est l'occasion de grandes fêtes nocturnes où l'on porte des masques et défile avec des chars. Préparée pendant des mois, la fête remplit les rues de la villes pour la Saint-Sylvestre. Un réveillon de rue parmi les plus réputés du Portugal.

Vers la fin de l'été, après de longues journées à la plage, le temps vient de préparer les aiolas, des barques en bois avec lesquelles on dispute la Régate d'Aiola. Particularité : pour concourir, on doit être un couple – un homme et une femme. Une épreuve sportive traditionnelle qui met en compétition des gens de (presque) tous âges.

On dispute aussi, annuellement, une traversée de la baie à la nage. Des centaines de nageurs viennent chaque fois de tout le pays pour crawler d'un bout à l'autre de la baie.

La riche culture de Sesimbra trouve son écho naturel au musée maritime. Installé au fort de Santiago, inauguré en 2016, ce musée intègre le passé et le présent de la vie sesimbraise en l'articulant autour de la pêche et de la mer, un environnement bien particulier dont la ville entière a vécu des siècles durant.


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